Communiqué de presse

Mon­treuil, le 29 octo­bre 2025

Dans une déci­sion his­torique, la Cour de jus­tice de l’U­nion européenne (CJUE) a jugé aujour­d’hui que la Com­mis­sion européenne avait eu tort d’approuver le plan stratégique nation­al de la France (PSN) dans le cadre de la poli­tique agri­cole com­mune (PAC). C’est la pre­mière fois que des organ­i­sa­tions de la société civile rem­por­tent un recours devant la juri­dic­tion de l’UE au motif qu’une insti­tu­tion européenne n’a pas respec­té la lég­is­la­tion environnementale.

La Cour a estimé que la France avait enfreint les exi­gences de « con­di­tion­nal­ité » alors en vigueur — notam­ment en matière de rota­tion des cul­tures — qui garan­tis­sent un niveau min­i­mal de pro­tec­tion de l’environnement devant être inté­gré aux plans nationaux. En 2022, le Col­lec­tif Nour­rir et Clien­tEarth avaient saisi la jus­tice pour deman­der à la Com­mis­sion de réex­am­in­er son appro­ba­tion du PSN français, esti­mant que celui-ci ne respec­tait pas les objec­tifs cli­ma­tiques et envi­ron­nemen­taux juridique­ment con­traig­nants de la PAC. La déci­sion ren­due aujour­d’hui con­firme à la fois que les recom­man­da­tions de la Com­mis­sion peu­vent être con­traig­nantes pour les plans nationaux et que celle-ci n’au­rait pas dû rejeter la demande de réexamen. 

Dans un con­texte de crise envi­ron­nemen­tale et géopoli­tique, et en vue de garan­tir notre sou­veraineté ali­men­taire, une juste rémunéra­tion des agricul­teurs et le renou­velle­ment des généra­tions, cette déci­sion doit nous alert­er sur deux enjeux majeurs : le rôle de la Com­mis­sion d’assurer le car­ac­tère com­mun de la PAC, et l’af­faib­lisse­ment con­tinu des objec­tifs envi­ron­nemen­taux depuis 2022. Il est pri­mor­dial, lors des négo­ci­a­tions sur la future PAC, de garan­tir une gou­ver­nance claire et effi­cace et de fix­er des objec­tifs ambitieux.Math­ieu Courgeau, co-prési­dent du Col­lec­tif Nourrir

“Ce délibéré con­firme le devoir de la Com­mis­sion de n’approuver que les plans stratégiques nationaux de la PAC qui sont con­formes au droit de l’U­nion européenne. La Com­mis­sion a man­qué à ce devoir lorsqu’elle a approu­vé celui de la France en 2022. 

Le finance­ment de la PAC, qui représente un tiers du bud­get de l’UE, devrait être un moteur de l’ac­tion cli­ma­tique, de la restau­ra­tion de la bio­di­ver­sité et de la pro­tec­tion des ressources vitales telles que l’eau et les sols. Nous appelons les décideurs poli­tiques à veiller à ce que la future PAC apporte plus de clarté et à ce que les fonds publics soient alloués de manière à soutenir des pra­tiques agri­coles véri­ta­ble­ment respectueuses du cli­mat et de l’environnement.” Sarah Mar­tin, ClientEarth

La PAC est le prin­ci­pal vecteur de finance­ments pour les agricul­teurs dans l’ensemble de l’UE. Elle représente à elle seule un tiers du bud­get européen, soit plus de 55 mil­liards d’eu­ros. En approu­vant le plan français, la Com­mis­sion a ain­si per­mis l’allocation de plus de 9 mil­liards d’eu­ros de sub­ven­tions par an aux agricul­teurs français. 

Les aides PAC sont con­di­tion­nées au respect de la régle­men­ta­tion envi­ron­nemen­tale de l’UE tran­scrite dans les PSN, et en par­ti­c­uli­er lorsqu’elle vise à pro­téger les agricul­teurs, les citoyens, l’environnement et le cli­mat. La Com­mis­sion a le devoir d’é­val­uer tous les plans nationaux avant leur adop­tion afin de garan­tir leur con­for­mité avec le cadre européen.

À la lumière de la déci­sion ren­due aujour­d’hui et alors que la future PAC est déjà en con­struc­tion, le Col­lec­tif Nour­rir et Clien­tEarth deman­dent une clar­i­fi­ca­tion du rôle de la Com­mis­sion, et en par­ti­c­uli­er sa capac­ité à con­train­dre les États mem­bres à mod­i­fi­er leurs plans si nécessaire.

Le ren­force­ment du rôle de la Com­mis­sion per­me­t­trait de garan­tir que seuls des plans nationaux ambitieux et con­formes aux lois européennes puis­sent entr­er en vigueur. Le rôle de la Com­mis­sion est essen­tiel pour garan­tir que les finance­ments de la PAC ser­vent les objec­tifs com­muns du pro­jet européen. Elles appel­lent aus­si les décideurs poli­tiques à plac­er les objec­tifs envi­ron­nemen­taux au cœur de la PAC et à allouer un bud­get suff­isant pour garan­tir leur réal­i­sa­tion, notam­ment en ren­forçant la garantie d’une juste rémunéra­tion pour les agriculteurs.

Le délibéré de la Cour vient donc annuler la déci­sion précé­dente de la Com­mis­sion qui refu­sait de réex­am­in­er son appro­ba­tion du PSN français, l’obligeant à réé­val­uer sa com­pat­i­bil­ité avec le droit européen et les con­di­tion­nal­ités du règle­ment PAC.

 

Con­tact presse

Claire Git­tinger

+33 (0)7 57 45 68 96

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Notes aux rédacteurs :

  • En 2022, les deux ONG ont demandé à la Com­mis­sion de réé­val­uer son appro­ba­tion du PSN français, mais celle-ci a refusé, affir­mant qu’elle dis­po­sait d’un pou­voir lim­ité pour influ­encer les plans nationaux, les pays de l’UE ayant toute lat­i­tude pour allouer leurs sub­ven­tions comme ils l’en­ten­dent. Les ONG ont toute­fois fait val­oir que le refus de la Com­mis­sion de réé­val­uer le plan français allait à l’en­con­tre de son oblig­a­tion légale de faire respecter ses pro­pres lois. La Com­mis­sion européenne a la respon­s­abil­ité de veiller à ce que l’ar­gent pub­lic soit util­isé pour attein­dre ses objec­tifs cli­ma­tiques et envi­ron­nemen­taux en aidant les agricul­teurs à adopter des pra­tiques agri­coles durables et résilientes qui garan­tis­sent à tous l’ac­cès à une ali­men­ta­tion saine. 
  • Le recours s’ap­puie sur les con­clu­sions d’un rap­port pub­lié en 2023 par le Haut Con­seil pour le Cli­mat, qui soulig­nait le faible niveau d’am­bi­tion du plan français au regard de ses objec­tifs cli­ma­tiques et l’ab­sence de vision glob­ale pour l’avenir de l’élevage. 
  • Un arti­cle récent de l’In­sti­tut nation­al de recherche pour l’a­gri­cul­ture, l’al­i­men­ta­tion et l’en­vi­ron­nement (INRAE) mon­tre que 99 % des agricul­teurs français pour­raient béné­fici­er du niveau de paiement stan­dard pour la mise en œuvre des pra­tiques « vertes » req­ui­s­es par la PAC sans avoir à mod­i­fi­er leurs pra­tiques agri­coles. De plus,  les bilans de mise en œuvre des pre­mières années du PSN mon­trent que 90 % des agricul­teurs obti­en­nent un niveau de paiement supérieur sans chang­er de pratiques.

Pourquoi le plan stratégique français de la PAC devrait-il être révisé ? 

Le Col­lec­tif Nour­rir et Clien­tEarth se sont con­cen­trés sur trois mesures prin­ci­pales du plan stratégique français qui, selon eux, ne respectent pas les objec­tifs de la PAC :

  • Un manque de mesures visant à réduire les émis­sions de gaz à effet de serre du secteur et à soutenir les éle­vages herbagers qui ont la capac­ité de stock­er du carbone.
  • Des aides finan­cières visant à soutenir des mesures de réduc­tion de l’u­til­i­sa­tion des pes­ti­cides et des engrais qui sont insuff­isantes pour pro­mou­voir le recours à ces mesures, avec des con­séquences néfastes pour les cours d’eau français.
  • Les con­di­tions req­ui­s­es pour obtenir des aides PAC afin de préserv­er la bio­di­ver­sité n’ont pas incité les agricul­teurs à adopter des pra­tiques plus durables.