Comprendre la PFUE

Par­ler de prési­dence de l’UE est en réal­ité un abus de lan­gage, car la France n’a pas « présidé l’Union européenne », mais seule­ment le Con­seil de l’UE (appelé aus­si Con­seil des min­istres). Le Con­seil de l’UE est l’institution qui réu­nit les min­istres des 27 États mem­bres. Elle amende et approu­ve les pro­jets lég­is­lat­ifs en codé­ci­sion avec le Par­lement européen et siège en dif­férentes for­ma­tions selon les sujets. Le Con­seil AGRIFISH rassem­ble par exem­ple l’ensemble des min­istres de l’agriculture des États membres.

La prési­dence de cette insti­tu­tion est tour­nante tous les six mois. Elle con­siste à la fois en un rôle insti­tu­tion­nel (fix­er l’ordre du jour et présider les réu­nions du Con­seil, rédi­ger les propo­si­tions de com­pro­mis, représen­ter le Con­seil en tri­logues face aux eurodéputés, etc), mais égale­ment en un rôle poli­tique. C’est en effet l’occasion pour le pays qui a la prési­dence de faire val­oir cer­taines de ses pri­or­ités poli­tiques, sou­vent hors des tâch­es qui lui sont offi­cielle­ment con­fiées mais plutôt dans un cadre informel (l’État qui a la prési­dence a notam­ment un accès priv­ilégié à la Com­mis­sion européenne, seule déten­trice de l’initiative lég­isla­tive). Une prési­dence du Con­seil est égale­ment l’occasion d’organiser de nom­breux évène­ments et con­férences min­istérielles sur le ter­ri­toire du pays hôte, une manière de faire ray­on­ner son influ­ence. Julien Denor­mandie (alors min­istre français de l’agriculture et de l’al­i­men­ta­tion) a par exem­ple accueil­li à Stras­bourg ses homo­logues européens pour une réu­nion informelle du Con­seil, du 6 au 8 févri­er 2022.

La prési­dence du Con­seil ne donne en réal­ité que peu de lat­i­tude pour influ­encer l’agenda. De plus, un devoir de neu­tral­ité dans la tenue des débats incombe à l’État qui l’occupe. Néan­moins, elle reste une occa­sion rare pour peser poli­tique­ment et de manière informelle, notam­ment auprès de la Com­mis­sion européenne. De manière générale, la sur­ve­nance de la guerre en Ukraine au mois de mars, cou­plée aux élec­tions prési­den­tielle et lég­isla­tives français­es, aura amoin­dri la capac­ité de la France à faire val­oir son agen­da poli­tique pro­pre en matière d’agriculture. Il n’en reste pas moins que la France aura fait avancer les dossiers lég­is­lat­ifs qui devaient lui incomber inévitable­ment : début juin, con­clu­sion en tri­logue du règle­ment relatif aux sta­tis­tiques sur les intrants agri­coles (voir analyse de Généra­tions futures ici), con­clu­sions sur les cycles durables du car­bone (en vue de la pub­li­ca­tion par la Com­mis­sion d’une lég­is­la­tion sur la cer­ti­fi­ca­tion de crédits car­bone en agri­cul­ture), etc. Sur cer­tains sujets, c’est le Con­seil envi­ron­nement qui a orchestré les dis­cus­sions sur des dossiers impac­tant l’agriculture. C’est le cas de la déforesta­tion importée ou encore des textes du paquet cli­mat sur les puits de car­bone, dossiers sur lesquels la France a réus­si à obtenir un com­pro­mis lors du dernier Con­seil Envi­ron­nement le 28 juin, après que ces sujets aient fait l’objet d’échanges de vue en Con­seil AGRIFISH.