Analyse du fairwashing de la Commission européenne sur la nouvelle PAC 2023–2027.
Alors qu’au niveau européen, 80% des aides de la Politique Agricole Commune (PAC) vont à 20% des agriculteur·rices, la réforme de la PAC 2023–2027 promettait plus d’équité pour les petit·es et moyen·nes agriculteur·rices. Maintenant que les plans stratégiques nationaux (PSN) de la PAC, élaborés par chaque État membre, sont définitivement approuvés et mis en œuvre depuis le 1er janvier 2023, peut-on affirmer qu’ils répondent à l’enjeu d’une PAC plus juste ? Peut-on réellement considérer que le sujet est clos pour la prochaine PAC post-2027, comme le laisse entendre la Commission ? Un rapport publié récemment par notre partenaire ARC 2020, et auquel le Collectif Nourrir a contribué, nous éclaire sur cette question.
Les communications de la Direction générale de l’agriculture (DG AGRI) de la Commission européenne laissent penser que les questions de répartition équitable des aides sont désormais réglées. Pourtant, l’analyse d’ARC 2020 d’un échantillon de plans stratégiques de la PAC (France, Allemagne et Irlande) révèle deux problèmes interconnectés qui doivent être résolus au niveau politique.
D’une part, les plans stratégiques de la PAC 2023–2027 n’ont pas abordé de manière systématique et cohérente tous les facteurs d’inégalités et, dans l’ensemble, se sont contentés d’apporter de petits ajustements pour éviter le changement significatif requis pour faire évoluer les modalités d’allocation des paiements directs. D’autre part, les analyses et communications positives de la DG AGRI, bien qu’utiles pour fournir une synthèse de chaque déclinaison nationale de la PAC, dissimulent des arbitrages politiques assez peu ambitieux, souvent alignés sur le minimum exigé par le règlement européen. La France n’échappe pas à cette analyse (voir synthèse des arbitrages français en matière de redistribution présentée ci-dessous).
Lutter contre les inégalités dans la distribution des aides PAC reste plus important que jamais, notamment dans le débat en cours sur la sécurité alimentaire. Malheureusement, cette analyse des PSN français, irlandais et allemand montre qu’une PAC plus juste reste un travail inachevé et que des corrections urgentes sont nécessaires, et ce au-delà de la refonte de l’aide au revenu de base, critiquée pour son versement aveugle à l’hectare (principe incitant les exploitations à s’agrandir). Autrement, la tendance vers un secteur agroalimentaire spécialisé et concentré, ainsi que la chute du nombre de fermes se poursuivra.
Concernant plus précisément l’analyse du PSN français, le rapport d’ARC 2020 rappelle que la France a pris des mesures mineures pour accroître le niveau d’équité des paiements directs et a plutôt conservé une approche de statu quo, sans réelle évolution des règles de répartition. Comme pour l’Irlande, les mesures positives prises par la France en faveur de la convergence interne (processus visant à harmoniser le montant unitaire des droits à paiement de base) étaient alignées sur le minimum requis par la législation européenne et seront mises en œuvre dans les délais les plus longs. Malheureusement, et contrairement à d’autres pays européens, le plafonnement visant à limiter les plus gros paiements n’a pas été mis en place. L’argument du gouvernement français en faveur de ce statu quo est que la France ne possède pas, comme d’autres pays de l’UE, de nombreuses grandes exploitations agricoles qui reçoivent de grosses sommes d’argent. Pourtant, il avait été estimé que le plafonnement à 100 000 € de tous les paiements directs aurait permis de prélever un nombre non négligeable de 6 885 gros bénéficiaires pour redistribuer vers de plus petites fermes.
Enfin, le paiement pour les petit·es agriculteur·rices n’a pas non plus été mis en place, alors qu’il aurait permis aux fermes ne possédant pas suffisamment d’hectares pour recevoir un montant d’aide significatif, de percevoir un soutien forfaitaire (non calculé selon le nombre d’hectares). Un arbitrage regrettable de la part de la France alors que, là encore, plusieurs pays européens avaient fait ce choix (voir notre outil interactif Qui fait mieux que la France).
Télécharger le rapport complet d’ARC 2020 en 🇬🇧