Après la transmission du projet de loi au Conseil d’État ce milieu de semaine, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a présenté le contenu du Pacte ce vendredi 15 décembre. Le Collectif Nourrir déplore un manque de cohérence générale, l’abaissement de l’ambition et l’insuffisance des mesures proposées pour assurer le renouvellement des générations agricoles et accélérer la transition agroécologique du secteur. Alors que l’élaboration du Pacte a souffert d’un réel déni démocratique, nous espérons que le débat parlementaire qui doit s’ouvrir en 2024 permettra une reprise et une évolution en profondeur du projet de loi accompagnant ce Pacte, pour en renforcer la portée et le contenu.
Plus de 6 mois après la clôture des concertations sur le Pacte et la loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOAA), les choses se précisent enfin sur la manière dont le gouvernement souhaite faire atterrir ce chantier. Après la transmission du projet de loi au Conseil d’État ce milieu de semaine, le ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire a présenté, ce vendredi 15 décembre, le contenu du Pacte lors d’un déplacement en Seine Maritime.
“L’ambition de ce Pacte et du projet de loi a été fortement abaissée par rapport aux annonces faites en 2022 par Emmanuel Macron. Force est de constater que les mesures proposées par le gouvernement sont à ce stade insuffisantes pour assurer le renouvellement des générations agricoles et accélérer la transition agroécologique du secteur. Un cap et une cohérence générale manquent, signe que le gouvernement n’a pas réellement fait de ces deux objectifs sa priorité”, déplore Clotilde Bato, co-présidente du Collectif Nourrir.
Une nécessaire évolution de la gouvernance qui reste à préciser
Nous saluons le fait que le Pacte reconnaisse l’évolution de la gouvernance des politiques agricoles comme une nécessité, pour traiter de manière plus cohérente l’ensemble des enjeux liés à la souveraineté alimentaire et la transition écologique, mais aussi pour être plus en phase avec les attentes des citoyens. La refonte proposée du Conseil supérieur d’orientation est a priori positive mais reste à préciser. Pour nos organisations, elle doit s’accompagner d’un pilotage interministériel des politiques publiques agricoles et alimentaires et de l’inclusion effective des parties prenantes, notamment la diversité des organisations paysannes et les organisations de la société civile.
Pas de garanties pour France Services Agriculture
Concernant la réforme du parcours à l’installation-transmission, qui reste le point central de ce PLOAA, son contenu déçoit et doit être revu. Aucun cap n’est donné sur le nombre d’installations agricoles visées chaque année, ce qui devrait pourtant être une pierre angulaire de notre souveraineté alimentaire. Concernant le pilotage du futur dispositif “France Services Agriculture” (FSA), l’État doit introduire de vrais mécanismes de contrôle de la mission des Chambres d’agriculture et assurer la transparence et la prise en compte de la pluralité des acteurs de l’installation agricole. À ce manque de garanties démocratiques et d’efficacité s’ajoute l’introduction d’une obligation de passage par le FSA qui risque, non pas d’encourager, mais de limiter un certain nombre de projets. Nos organisations s’inquiètent d’un dispositif qui, dans sa préfiguration, ne pose pas les bases nécessaires pour répondre aux besoins de tous les porteurs de projets et n’oriente pas clairement vers l’agroécologie.
Quelques mesures sur le foncier, mais sans réelle réforme
Le Pacte passe à côté d’une nécessaire réforme de la politique de régulation foncière, pourtant essentielle pour encourager l’installation de nouveaux agriculteurs. Parmi les quelques mesures introduites, l’une d’entre elles, la création de groupements fonciers agricoles d’investissement, risque même d’aggraver le phénomène de financiarisation et de concentration des terres agricoles. À l’inverse, nos organisations saluent l’introduction d’une mesure portant sur la modification des règles de contrôle des structures agricoles, afin de favoriser l’agriculture biologique dans les zones fragiles, qui constitue un premier pas. Cette logique de priorisation devrait être généralisée. Concernant le futur outil de portage foncier et de capitaux “Entrepreneurs du Vivant” qui viendra appuyer les installations, il doit être clairement fléché vers les installations agroécologiques et les profils non issus du milieu agricole.
La transition, annoncée comme un fil rouge, est devenue quasiment invisible
Le Pacte, annoncé comme un outil de déclinaison de la planification écologique, n’est à ce stade pas suffisamment précis et ambitieux sur la transition. Certaines des mesures proposées vont même à l’encontre des objectifs. Le gouvernement prévoit de faciliter les projets d’industrialisation de l’élevage, alors que le soutien aux élevages vertueux (pâturage, plein air) est identifié comme un levier clé de la planification écologique. Similairement, le Pacte permettrait d’accélérer la mise en place des méga-bassines, des fausses solutions, décriées pour leur impact sur les milieux et la ressource en eau. Des mesures qui favorisent également un modèle agro-exportateur qui nuit à la souveraineté alimentaire, et aux agricultures et écosystèmes des pays du Sud. Adapter les programmes de l’enseignement agricole et former les professionnels du secteur aux enjeux de transition est un point positif du Pacte. Mais il faut aller plus loin et faire du Pacte un outil pour véritablement orienter le secteur agricole dans une transition systémique, et concevoir des systèmes de productions agricoles plus justes, durables et locaux, avec des mesures précises et concrètes pour soutenir l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique, notamment dans le secteur de l’élevage.
Des absences et incohérences que le débat parlementaire sur le projet de loi devra rectifier
Au-delà d’un recueil de mesures et des plans et annonces de ces derniers mois, rien ne permet d’assurer la cohérence entre les différents dispositifs listés. Surtout, le Pacte ignore les politiques publiques pourtant structurantes de notre modèle agricole, comme la Politique agricole commune (PAC). Une révision en profondeur de sa déclinaison française, le Plan Stratégique National, serait pourtant déterminante pour installer des paysans et paysannes nombreux tout en appuyant le développement de l’agroécologie, dont l’agriculture biologique.
“Alors que nous étions parties prenantes officielles des concertations, l’élaboration du Pacte s’est faite à huis clos. Nos organisations déplorent ce déni démocratique et espèrent que le débat parlementaire qui doit s’ouvrir en 2024 permettra une reprise et une évolution en profondeur du projet de loi accompagnant ce Pacte pour en renforcer la portée et le contenu. Nous avons des propositions concrètes et nous comptons sur les parlementaires pour faire du renouvellement des générations, de la transition agroécologique et du renforcement de la souveraineté alimentaire non pas un slogan mais une réalité” estime Clotilde Bato, co-présidente du Collectif Nourrir.