A la veille du Salon de l’Agriculture et suite aux dernières annonces gou­verne­men­tales en con­séquence des mobil­i­sa­tions, le Col­lec­tif Nour­rir pub­lie un sondage pour éclair­er la réal­ité des préoc­cu­pa­tions et aspi­ra­tions du monde agri­cole. Les répons­es poli­tiques du 21 févri­er ne présen­tent pas de nou­veautés majeures par rap­port aux annonces précé­dentes et restent insuff­isantes pour espér­er une sor­tie de crise durable. Dans cette per­spec­tive, et alors que le déclin du nom­bre de fer­mes en France s’accentuera dans la prochaine décen­nie, le Col­lec­tif Nour­rir lance une cam­pagne pour que la prochaine Loi d’Orientation Agri­cole soit le levi­er pour assur­er d’allier renou­velle­ment des généra­tions agri­coles et transition.

Des chiffres inédits pour éclairer la réalité de la crise agricole et les réponses à y apporter

Depuis jan­vi­er, les mul­ti­ples mobil­i­sa­tions agri­coles sont le symp­tôme d’un malaise pro­fond, prin­ci­pale­ment dû aux iné­gal­ités de revenus qui se creusent entre les agricul­teurs, à une vul­néra­bil­ité crois­sante des fer­mes face aux crises san­i­taires et envi­ron­nemen­tales, ain­si qu’aux choix poli­tiques qui, depuis des années, ne répon­dent pas durable­ment à ces prob­lèmes. Pour mieux com­pren­dre les per­cep­tions et préoc­cu­pa­tions des agricul­teurs dans un con­texte d’échéances poli­tiques clés comme la Loi d’Orientation Agri­cole (LOA) à venir, le Col­lec­tif Nour­rir pub­lie les pre­miers résul­tats d’une enquête com­man­ditée à l’institut BVA Xsight, en parte­nar­i­at avec Ter­ra Nova, fin 2023 et réal­isée avec le sou­tien de Par­lons Climat.

Sondage BVA Xsight / Col­lec­tif Nour­rir / Ter­ra Nova : pre­miers résultats
  • Par­mi les préoc­cu­pa­tions prin­ci­pales, 21% des agricul­teurs men­tion­nent les impacts des dérè­gle­ments cli­ma­tiques en réponse spontanée
  • Le con­texte économique est une source de préoc­cu­pa­tion majeure pour 52% et en par­ti­c­uli­er  la con­struc­tion du revenu agri­cole sous ses dif­férentes com­posantes : aug­men­ta­tion des coûts (18%), insta­bil­ité des marchés (16%), prix de vente insuff­isants (12%)
  • 62% des agricul­teurs esti­ment que la tran­si­tion écologique est une néces­sité. 23% con­sid­èrent même qu’il s’agit d’une oppor­tu­nité : le refus de la tran­si­tion est donc large­ment minori­taire auprès des agricul­teurs (15%)
  • 57% des instal­lés depuis moins de 10 ans ont au préal­able exer­cé une activ­ité sans lien avec l’agriculture
Sondage en inté­gral­ité à télécharg­er ici

Le prin­ci­pal enseigne­ment du sondage reste, d’un côté, l’existence de préoc­cu­pa­tions mul­ti­ples et divers­es par­mi les agricul­teurs et, de l’autre, la con­fir­ma­tion qu’une demande claire de sou­tien pour adapter les fer­mes au con­texte écologique est très majori­taire­ment partagée. Pour Math­ieu Courgeau, co-prési­dent du Col­lec­tif Nour­rir, la sit­u­a­tion appelle dès aujourd’hui à des mesures struc­turelles d’ampleur. Le risque, bien réel, de cam­pagnes vidées de leurs paysans dans les prochaines années se con­cré­tis­era si les con­di­tions de revenu, d’accès au méti­er d’agriculteur et d’adaptation des fer­mes aux enjeux écologiques ne sont pas ciblées spé­ci­fique­ment dans la prochaine loi d’orientation.” La con­férence de presse du Pre­mier Min­istre du 21 févri­er ne présente pas de nou­veautés majeures et démon­tre que les mesures restent large­ment insuff­isantes pour espér­er une sor­tie de crise durable. Le Salon de l’Agriculture, doit être l’occasion d’annoncer enfin les réformes pour pren­dre en compte les réelles attentes du monde agri­cole et de la société.

Assurer le renouvellement des générations agricoles : condition d’une sortie de crise durable

Les ques­tion­nements fon­da­men­taux sur l’orientation souhaitable pour l’agriculture française doivent être reposés pour résoudre durable­ment la crise agricole.

Le gou­verne­ment prévoit d’inscrire une déf­i­ni­tion de la sou­veraineté ali­men­taire dans la loi, comme objec­tif à pour­suiv­re pour ori­en­ter ses actions. Cette déf­i­ni­tion ne peut en aucun cas être une injonc­tion à “nour­rir le monde”, visant à soutenir la com­péti­tiv­ité inter­na­tionale et les expor­ta­tions à bas prix. Cette logique est néfaste pour le revenu des paysans en France et dans le monde, pour l’environnement, mais aus­si pour la résilience des fer­mes face aux crises inter­na­tionales. La déf­i­ni­tion recon­nue par les Nations Unies sup­pose à l’inverse de pri­oris­er la pro­duc­tion ali­men­taire des­tinée aux marchés nationaux et locaux, d’augmenter le nom­bre de fer­mes à taille humaine sur les ter­ri­toires, de diver­si­fi­er les pro­duc­tions, d’assurer le droit à l’alimentation et de garan­tir des prix rémunéra­teurs aux agricul­teurs, sans dump­ing vis-à-vis des pays tiers.

Avec 200 fer­mes dis­parais­sant chaque semaine en France et la promesse d’une explo­sion de ce chiffre puisque 50% des agricul­teurs seront en âge de par­tir à la retraite dans les 10 ans, les répons­es poli­tiques sont insuff­isantes, voire con­tre pro­duc­tives. Le gou­verne­ment prévoit la créa­tion d’un guichet unique pour accom­pa­g­n­er toutes les instal­la­tions et les trans­mis­sions de ferme, mais les ver­rous empêchant le renou­velle­ment seront tou­jours présents. La relève se situe à 60% hors du milieu agri­cole et porte majori­taire­ment des pro­jets d’installation agroé­cologiques et biologiques. Cepen­dant, l’accompagnement pro­posé par les pou­voirs publics ne per­met pas de répon­dre à leurs besoins. Pour pal­li­er les aban­dons de pro­jets, les actions des organ­i­sa­tions paysannes, qui accom­pa­g­nent aujourd’hui 1/3 des instal­la­tions, doivent être recon­nues et soutenues à ce titre. Face aux dif­fi­cultés de reprise des fer­mes exis­tantes (trop grandes et indus­tri­al­isées), les cédants doivent être accom­pa­g­nés tech­nique­ment (pour envis­ager la restruc­tura­tion de l’activité) et humaine­ment pour lever les freins et blocages. Une réelle réforme de la régu­la­tion fon­cière est néces­saire pour assur­er une juste répar­ti­tion et met­tre un terme à la con­cen­tra­tion des fer­mes, qui encour­age la chute du nom­bre de paysans.

L’agriculture subit de plein fou­et les crises cli­ma­tiques (qui ont entraîné un sur­coût pour l’État de 3 mil­liards € en 2022), et est dans le même temps le deux­ième secteur le plus émet­teur de gaz à effets de serre.  Le secteur voit sa tran­si­tion triple­ment pénal­isée dans le con­texte actuel : il n’existe aucune mesure forte pour que la nou­velle généra­tion d’agriculteurs soit accom­pa­g­née vers l’agroécologie et la bio, les reculs envi­ron­nemen­taux se mul­ti­plient, et la sit­u­a­tion économique de la bio s’aggrave, sans volon­té de sou­tien financier d’ampleur. Pour Clotilde Bato, co-prési­dente du Col­lec­tif Nour­rir, “la tran­si­tion agroé­cologique et biologique est l’opportunité de pré­par­er l’agriculture française aux prochaines crises cli­ma­tiques et envi­ron­nemen­tales, de répon­dre à l’objectif de sou­veraineté ali­men­taire en con­ser­vant nos capac­ités de pro­duc­tion à long terme, de réduire les coûts publics et enfin de don­ner les moyens aux futurs paysans de s’installer notam­ment pour pal­li­er le déclin de la fil­ière éle­vage”. Pour cela, la ques­tion de la tran­si­tion doit être le fil rouge de toutes les mesures de la loi d’orientation agricole.

Une campagne et des attentes fortes vis-à-vis de la loi d’orientation, pour remettre les intérêts des paysans et la question du renouvellement agricole au centre des discussions

A la veille du salon de l’agriculture, le Col­lec­tif Nour­rir souhaite met­tre la ques­tion cen­trale du renou­velle­ment des généra­tions d’agriculteurs au cœur du débat pub­lic en lançant une cam­pagne de sen­si­bil­i­sa­tion.

Objec­tif : amen­er l’ensemble de la société à se ques­tion­ner sur le futur souhaitable entre, d’un côté, une poli­tique agri­cole con­duisant chaque année à la dis­pari­tion d’un plus grand nom­bre de fer­mes (et l’industrialisation des restantes), et, de l’autre, une poli­tique agri­cole don­nant les out­ils pour aider mas­sive­ment les agricul­teurs à trans­met­tre leur ferme dans de bonnes con­di­tions, et les can­di­dats à con­cré­tis­er leurs pro­jets d’installation, aujourd’hui majori­taire­ment tournés vers l’agroécologie et la bio. La prochaine Loi d’Orientation Agri­cole doit per­me­t­tre d’y répon­dre et d’envisager des solu­tions pérennes pour garan­tir des con­di­tions de revenu dignes à l’ensemble des agricul­teurs et la tran­si­tion agroé­cologique. L’ensemble des organ­i­sa­tions mem­bres du Col­lec­tif Nour­rir s’attèleront à défendre cette vision dans les prochaines semaines.