Il y a plus d’un an, Emmanuel Macron a annon­cé sa volon­té de faire adopter un Pacte et une Loi d’Orientation et d’Avenir Agri­coles (PLOAA). Dans l’attente de la pub­li­ca­tion de ces textes, le Col­lec­tif Nour­rir pub­lie aujourd’hui sa vision pour un PLOAA ambitieux, répon­dant à la fois aux défis du renou­velle­ment des généra­tions d’a­gricul­teurs et de la tran­si­tion agroé­cologique, tout en assur­ant notre sou­veraineté ali­men­taire. Le Col­lec­tif demande à ce que le pro­jet de loi reste le pili­er cen­tral de ce proces­sus et exige que le gou­verne­ment con­sulte les par­ties prenantes dans la con­struc­tion du Pacte, dont le proces­sus démoc­ra­tique n’est aujourd’hui pas assuré. 

Le Prési­dent de la République a annon­cé, en sep­tem­bre 2022, sa volon­té de faire adopter “un Pacte et une Loi d’Orientation et d’Avenir Agri­coles”, pour répon­dre à un dou­ble défi. D’une part, la diminu­tion du nom­bre d’agriculteurs pro­jetée à — 25% de 2020 à 2030. D’autre part, la néces­sité d’engager la tran­si­tion agroé­cologique de nos sys­tèmes agri­cole et ali­men­taire. Après un proces­sus de con­cer­ta­tion organ­isé au pre­mier semes­tre 2023, des pre­mières annonces ont été faites en sep­tem­bre par le min­istre, Marc Fes­neau, sur les pri­or­ités du PLOAA dont les textes (Pacte et pro­jet de loi) sont atten­dus dans les prochaines semaines. Dans l’attente de leur pub­li­ca­tion et face à l’urgence d’installer dès main­tenant un max­i­mum de paysannes et de paysans, le Col­lec­tif Nour­rir pub­lie sa vision pour l’orientation et l’avenir de l’agriculture.

Des piliers indissociables pour l’avenir de notre agriculture

Selon Clotilde Bato, co-prési­dente du Col­lec­tif Nour­rir, “Le con­stat est sans appel : nous sommes con­fron­tés à une dis­pari­tion mas­sive des paysans. Nous devons agir sans atten­dreL’enjeu du main­tien de nom­breuses fer­mes sur nos ter­ri­toires est au car­refour de mul­ti­ples enjeux tels que le renou­velle­ment des généra­tions d’agriculteurs, l’accès au fonci­er, la sou­veraineté ali­men­taire ou encore la tran­si­tion de nos sys­tèmes vers l’agroécologie paysanne dont l’agriculture biologique. Tous doivent impéra­tive­ment être abor­dés de manière com­plé­men­taire dans le PLOAA”. 

Tout d’abord, la France doit réaf­firmer la déf­i­ni­tion de la sou­veraineté ali­men­taire telle qu’adop­tée par les Nations Unies pour cadr­er et pilot­er ses poli­tiques publiques agri­coles et ali­men­taires et ne pas céder à des visions dévoyées ou sim­plistes de la sou­veraineté qui font primer la com­péti­tiv­ité sur les droits des paysans et des citoyens.

Ensuite, afin d’assurer des instal­la­tions agri­coles nom­breuses, la France doit met­tre en place des poli­tiques sociales attrac­tives pour les agricul­teurs (revenu, retraites, accès aux con­gés, pro­tec­tion sociale). Elle doit aus­si révis­er le par­cours actuel d’accompagnement à l’installation et à la trans­mis­sion des fer­mes, en ren­forçant ses moyens et en inté­grant la plu­ral­ité des struc­tures d’accompagnement agri­coles dans son déploiement et sa gou­ver­nance. Le plu­ral­isme — actuelle­ment inex­is­tant — garan­ti­ra aux cédants et aux can­di­dats à l’installation, l’accès à une infor­ma­tion diver­si­fiée et com­plète et à un par­cours exhaus­tif, allant de l’accompagnement à l’émergence de pro­jets agri­coles, jusqu’au sou­tien à la restruc­tura­tion, pour cer­taines fer­mes, pour assur­er une tran­si­tion des pra­tiques vers l’agroécologie paysanne et biologique.

En out­re, seule une réforme ambitieuse de la poli­tique d’accès au fonci­er agri­cole pour­ra frein­er les phénomènes crois­sants de con­cen­tra­tion et de finan­cia­ri­sa­tion des ter­res, qui entra­vent le renou­velle­ment des généra­tions agri­coles en plus d’être destruc­teurs pour l’environnement.

Enfin, l’État doit sans plus atten­dre soutenir mas­sive­ment la tran­si­tion des exploita­tions agri­coles vers l’agroécologie paysanne, dont l’agriculture biologique, à tra­vers la réforme du par­cours d’installation-transmission, les poli­tiques de Recherche et Développe­ment dédiées au secteur, les pro­grammes d’enseignement agri­cole et en révisant le Plan Stratégique Nation­al (PSN) de la PAC. Une pri­or­i­sa­tion doit être accordée aux fil­ières d’élevage, dont la tran­si­tion vers des mod­èles paysans doit être plan­i­fiée en fix­ant une ambi­tion et une tra­jec­toire claires pour l’ensemble des cheptels.

Le risque d’une loi sans ambition et d’un Pacte sans garde-fou démocratique

Par con­traste avec ce qui était annon­cé en 2022 comme une “grande loi”, le gou­verne­ment prévoit de présen­ter un pro­jet de loi très court et peu ambitieux, et de faire pass­er l’essentiel des mesures dans un “Pacte”. Ce “Pacte” con­stituera un volet de mesures non-lég­isla­tives qui pour­ront être mis­es en place par décrets et cir­cu­laires sans être dis­cutées au Par­lement. Les par­ties prenantes sont sans nou­velle offi­cielle de ce Pacte, qui a été élaboré sans con­sul­ta­tion de la société civile, ni même des organ­i­sa­tions paysannes qui accom­pa­g­nent aujour­d’hui un tiers des instal­la­tions agri­coles sur le ter­rain. Il s’agit d’un vrai risque démocratique.

“Nous deman­dons à ce qu’une loi ambitieuse soit présen­tée et que le Pacte soit élaboré en toute trans­parence avec la plu­ral­ité des par­ties prenantes et notam­ment, avec les organ­i­sa­tions paysannes et de la société civile”, indique Math­ieu Courgeau, co-prési­dent du Col­lec­tif Nour­rir. À cette fin, les mem­bres du Col­lec­tif Nour­rir deman­dent au min­istère de l’Agriculture et de la Sou­veraineté Ali­men­taire qu’il trans­mette rapi­de­ment à toutes les par­ties prenantes le pro­jet de Pacte et qu’il leur per­me­tte d’y contribuer.

Le Col­lec­tif Nour­rir appelle égale­ment les députés, les séna­teurs et les citoyens à s’emparer de cette thé­ma­tique struc­turante pour notre agri­cul­ture, notre ali­men­ta­tion et toute notre société d’ici l’examen du pro­jet de loi au Par­lement début 2024.