Engagé depuis plusieurs années sur la réforme de la Poli­tique Agri­cole Com­mune (PAC), les organ­i­sa­tions du Col­lec­tif Nour­rir con­tin­u­ent de défendre l’idée que le Plan Stratégique Nation­al (PSN) français de la PAC, par son car­ac­tère con­ser­va­teur, ne per­me­t­tra pas d’accompagner le change­ment de mod­èle agri­cole néces­saire. Nous pointons encore régulière­ment les lacunes du PSN en matière sociale, du point de vue de la pro­tec­tion de la bio­di­ver­sité ou des ressources naturelles, et enfin, vis-à-vis des ques­tions cli­ma­tiques. Sur ce dernier enjeu, le min­istère de l’Agriculture et de la Sou­veraineté ali­men­taire estime que le PSN con­tribuera à réduire les émis­sions de gaz à effet de serre du secteur agri­cole de 9 à 11%. Mais qu’en est-il réellement ?

Une étude réalisée par Carbone 4 conforte les lacunes du PSN français

Pour le savoir, le Col­lec­tif Nour­rir a mis­sion­né le cab­i­net de con­seil Car­bone 4, pour réalis­er une étude visant à éval­uer la con­tri­bu­tion réelle du PSN français aux objec­tifs de la Stratégie Nationale Bas Car­bone (SNBC‑2). Con­duite en 2022 par Syl­vain Borie, l’étude présente des résul­tats con­for­t­ant les lacunes du PSN :

  • Alors que la SNBC‑2 fixe un objec­tif de réduc­tion de 5 MtCO2e sur la péri­ode 2023–2027, les mesures mis­es en place dans le PSN ne per­me­t­tent de réalis­er qu’une baisse de 3,8 MtCO2e (en adop­tant des hypothès­es optimistes).
  • Le chiffre tombe à 3,1MtCO2e lorsque sont pris­es en compte des hypothès­es réalistes.
  • Si l’on ajoute à cela les objec­tifs de la SNBC‑2 en ter­mes de séques­tra­tion par les ter­res agri­coles, le PSN ne per­met pas d’atteindre 50 % de la réduc­tion d’émissions néces­saire sur la péri­ode 2023–27.
  • Les mesures hors PSN ne per­me­t­tent pas de combler l’écart constaté.

Doit-on compter sur la baisse tendancielle actuelle du cheptel bovin pour l’atteinte de nos objectifs climat ?

Si, pour ses cal­culs, Car­bone 4 reprend la baisse ten­dan­cielle du chep­tel sur 20 ans men­tion­née dans le PSN, le résul­tat peut s’avérer dif­férent si l’on con­sid­ère la baisse observée du chep­tel bovin sur les sept dernières années : une baisse moyenne d’en­v­i­ron 2% par an, qui nous per­met d’être rapi­de­ment dans les clous de la SNBC. Or, en ce qui con­cerne la PAC et la con­tri­bu­tion du PSN, une baisse franche du chep­tel n’est ni l’intention explicite du PSN (qui par­le même d’un objec­tif de “main­tien de l’élevage”),  ni une vic­toire en soi. Si la baisse de la con­som­ma­tion ne suit pas celle de la pro­duc­tion, nous allons sim­ple­ment importer plus et prob­a­ble­ment aug­menter notre empreinte car­bone. C’est pourquoi l’étude de Car­bone 4, tout comme le Col­lec­tif Nour­rir, met­tent en avant l’absence regret­table de pilotage du PSN pour accom­pa­g­n­er la tran­si­tion de l’élevage et cibler les sou­tiens vers les sys­tèmes fondés sur l’alimentation à l’herbe et le pâturage, qui appor­tent des co-béné­fices en terme de bio­di­ver­sité, de bien-être ani­mal et de séques­tra­tion carbone.

Ain­si, il n’est pas souhaitable que la stratégie de réduc­tion des émis­sions du secteur agri­cole repose sur l’idée que sur la baisse ten­dan­cielle du chep­tel bovin nous per­me­t­tra d’atteindre facile­ment nos objec­tifs et nous épargn­era l’action sur le volet de la réduc­tion des engrais et sur l’augmentation de nos capac­ités de séques­tra­tion. La réduc­tion des émis­sions de pro­toxyde d’azote et la mul­ti­pli­ca­tion des puits de car­bone sont des enjeux majeurs, la réduc­tion aveu­gle du chep­tel bovin, qui n’est pour l’instant pas syn­onyme d’une écol­o­gi­sa­tion des pra­tiques, ne doit pas être perçue comme le sig­nal que le secteur agri­cole est sur la bonne voie en matière climatique.

Quelle adaptation du PSN pour répondre aux objectifs de la prochaine SNBC‑3 ?

Si l’étude est basée sur une com­para­i­son du PSN avec la SNBC‑2, une révi­sion de la SNBC est annon­cée début 2024. Cette SNBC‑3 vien­dra rehauss­er l’objectif de réduc­tion des émis­sions du secteur agri­cole d’ici 2030, qui passera de ‑18% à ‑22%. Au vu des enjeux et leviers déjà iden­ti­fiés dans le pro­jet de SNBC‑3 pour le secteur agri­cole, et puisque le PSN n’est déjà pas aligné avec la SNBC‑2, la nou­velle tra­jec­toire SNBC‑3 pour 2030 con­forte l’urgence de révis­er le PSN d’ici 2027.

Par­mi les mod­i­fi­ca­tions pri­or­i­taires à opér­er rapi­de­ment, voici les pré­con­i­sa­tions du Col­lec­tif Nourrir :

A très court terme :

  • Cor­riger rapi­de­ment la baisse des mon­tants annon­cés par arrêté le 5 octo­bre dernier,  afin de garan­tir, à court-terme, les mon­tants ini­tiale­ment annon­cés pour l’éco-régime et l’aide com­plé­men­taire aux jeunes agriculteurs.
  • Pay­er les MAEC de tous les agricul­teurs qui se sont engagés en 2023

Pour la révi­sion du PSN 2024 et sur la base des résul­tats de souscrip­tion de l’année 2023 :

  • Rehauss­er l’ambition envi­ron­nemen­tale des niveaux 1 et 2 de l’éco-régime et reval­oris­er les mon­tants pour le troisième niveau dédié à la bio (145 €) et le bonus haies (25 €).
  • Mod­i­fi­ca­tion des aides cou­plées ani­males pour favoris­er les pra­tiques durables (abaisse­ment du pla­fond d’UGB primables en con­trepar­tie d’une reval­ori­sa­tion du mon­tant uni­taire et intro­duc­tion d’un lien au pâturage dans les critères d’attribution).
  • Aug­menter sig­ni­fica­tive­ment les enveloppes pour les MAEC afin de cou­vrir l’ensemble du ter­ri­toire et de pay­er tous les agricul­teurs qui s’engagent sur l’ensemble de la pro­gram­ma­tion PAC.
  • Au-delà des aspects cli­ma­tiques et envi­ron­nemen­taux, ren­forcer les out­ils de redis­tri­b­u­tion : paiement redis­trib­u­tif, aide cou­plée petit maraîchage, etc.