Le Prési­dent de la République a annon­cé en sep­tem­bre 2022 sa volon­té de créer “un pacte et une loi d’orientation et d’avenir agri­coles”. Les lois d’orientation agri­cole ayant his­torique­ment per­mis de mod­i­fi­er le secteur en pro­fondeur, le gou­verne­ment est appelé à s’en saisir pour répon­dre à plusieurs défis, notam­ment démo­graphiques, en déci­dant de mesures à la fois lég­isla­tives finan­cières ou régle­men­taires (via le Pacte) autour de plusieurs axes dont la trans­mis­sion des fer­mes, l’installation de nou­veaux agricul­teurs, la tran­si­tion et l’adaptation face au change­ment climatique.

 

Quelle est la problématique du renouvellement des générations agricoles ?

  • La dis­pari­tion des agricul­teurs entraîne et con­tin­uera d’en­traîn­er de nom­breux impacts négat­ifs sur les ter­ri­toires ruraux (détéri­o­ra­tion de l’emploi, du dynamisme des ter­ri­toires, etc), l’environnement (agran­disse­ment des fer­mes pour com­penser les départs, bien sou­vent cor­rélé au ren­force­ment de pra­tiques inten­sives néfastes à la bio­di­ver­sité et au cli­mat), notre dépen­dance aux pro­duits importés,… C’est un phénomène qui est dra­ma­tique pour tout le monde et auquel il faut impéra­tive­ment remédier.
  • Face à un par­cours semé d’embûches, il est dif­fi­cile de sus­citer des voca­tions. Et déjà, alors que la majorité des nou­veaux paysans ne vient aujourd’hui pas du milieu agri­cole,  l’accompagnement inadap­té voire inex­is­tant pro­posé par les pou­voirs publics fait per­dre une par­tie non nég­lige­able de ces voca­tions : le nou­veau sys­tème doit assur­er la prise en compte des besoins de ces pro­fils nou­veaux dans le milieu.
  • Le mod­èle pro­duc­tiviste actuel est à la fois le moins résilient et celui qui con­tribue le plus aux crises actuelles (cli­mat, san­té, dépen­dance aux marchés, etc). Organ­is­er la relève suite au départ mas­sif d’agriculteurs dans les 10 prochaines années, c’est aus­si la meilleure oppor­tu­nité pour apporter un nou­veau change­ment pro­fond de modèle.

Les pièges dans lesquels ne pas tomber :

  • Le statut quo dans la gou­ver­nance du par­cours à l’in­stal­la­tion: la méth­ode jusqu’alors à l’œu­vre a démon­tré son inef­fi­cac­ité. Il faut assur­er aux por­teurs de pro­jet l’ac­cès à une plu­ral­ité de structures
  • la finan­cia­ri­sa­tion et la con­cen­tra­tion de l’agriculture : les fer­mes et les aides publiques ne seraient pas aux mains des agricul­teurs mais aux mains d’investisseurs qui, par essence, cherchent en pri­or­ité le prof­it. Aucun des défis démo­graphiques, soci­aux et écologiques ne seraient relevés.
  • S’engouffrer dans la brèche des nou­velles tech­nolo­gies : en plus d’être par­ti­c­ulière­ment coû­teuses, elles ne visent qu’à opti­miser le sys­tème actuel plutôt que de le chang­er tout en rabais­sant l’autonomie et donc la résilience des fermes.

Quelles solutions ?

  • Le sys­tème le plus résilient est agroé­cologique et biologique et est porté par un très grand nom­bre de fer­mes et de paysans, notam­ment les non-issus du milieu agri­cole, mais souf­frant d’un manque de sou­tien réel dans le cadre des poli­tiques publiques.
  • Les organ­i­sa­tions paysannes* du Col­lec­tif Nour­rir accom­pa­g­nent ⅓ des can­di­dats et pro­posent des pistes alter­na­tives au mod­èle pro­duc­tiviste : des pro­jets de fer­mes agroé­cologiques, biologiques, autonomes, ancrées dans leur ter­ri­toires et résilientes. Elles n’ont cepen­dant pas, par manque de moyens, la capac­ité d’absorber toutes les deman­des et se voient encore aujourd’hui écartées des points d’accueil instal­la­tion offi­ciels et des moyens publics affiliés.
  • Les organ­i­sa­tions paysannes du Col­lec­tif Nour­rir accom­pa­g­nent chaque année au moins 2000 cédants dans leur pro­jet de trans­mis­sion. Sans pré­pa­ra­tion de cette étape en amont (10 ans) ni accom­pa­g­ne­ment humain, la vente des ter­res au voisin appa­raît sou­vent comme l’unique solution.

Quels besoins politiques ?

  • Rénover le par­cours à l’installation pour accueil­lir et accom­pa­g­n­er tous les pro­fils de can­di­dats à l’installation et prof­iter de leur engoue­ment pour des pra­tiques vertueuses pour évoluer vers un sys­tème agroé­cologique à l’échelle de la France.
  • Rénover le fonc­tion­nement et le pilotage des poli­tiques d’installation-transmission pour met­tre en place une ges­tion et une ani­ma­tion plu­ral­iste des par­cours à l’installation, indis­pens­able pour assur­er que tous les pro­fils y trou­vent l’accompagnement qu’ils recherchent.
  • Out­re l’accompagnement tech­nique qui peut pass­er par un diag­nos­tic de l’ex­ploita­tion à repren­dre com­pléter d’un plan d’action, l’accompagnement humain à la trans­mis­sion est essen­tiel pour lever les freins et blocages, y com­pris psy­choso­ci­aux, à la trans­mis­sion: sen­ti­ment d’échec lié à une ces­sion hors-cadre famil­ial d’une ferme famil­iale, a pri­ori négat­ifs sur les nou­veaux pro­fils de repre­neurs, sen­ti­ments que leur ferme n’est pas trans­mis­si­ble alors qu’elle pour­rait l’être moyen­nant éventuelle­ment restruc­tura­tion de l’activité, impli­ca­tions socio-économiques type démé­nage­ment dif­fi­cile à gérer…

Le bon exemple

En Bre­tagne, il est imposé que l’accueil des por­teurs de pro­jet au Point Accueil Instal­la­tion et l’accompagnement dans le cadre du par­cours offi­ciel soit géré de façon plu­ral­iste : Cham­bres d’Agriculture, GAB, CIVAM se répar­tis­sent l’accueil et l’accompagnement des por­teurs de pro­jets. Comme c’est imposé par l’État et la Région, les acteurs se par­lent, se met­tent autour de la table, agis­sent en com­plé­men­tar­ité et de manière trans­par­ente dans la répar­ti­tion des accom­pa­g­ne­ments. Les por­teurs de pro­jets ont le choix de leur conseiller.
* SOL, Terre de Liens, FNAB, Réseau CIVAM, AGTER, FADEAR, MIRAMAP