Le Prési­dent de la République a annon­cé en 2022 sa volon­té de créer “un pacte et une loi d’orientation et d’avenir agri­coles”. Le gou­verne­ment a appelé à s’en saisir pour répon­dre notam­ment au défi de la tran­si­tion écologique et de l’adaptation du secteur au change­ment cli­ma­tique, en présen­tant le Pacte notam­ment comme un out­il de décli­nai­son de la plan­i­fi­ca­tion écologique. 1 an plus tard, la tran­si­tion, annon­cée comme un fil rouge, est dev­enue qua­si­ment invis­i­ble. Aucune des mesures pro­posées n’est assez pré­cise et ambitieuse pour être effi­cace, cer­taines allant même à l’encontre de l’objectif. En n’orientant pas claire­ment les futures généra­tions agri­coles vers l’agroécologie, le gou­verne­ment va rater sa cible. Pour­tant il y a urgence, car l’agriculture subit de plein fou­et les impacts des crises cli­ma­tiques (3 mil­liards € de sur­coût pour l’État en 2022). Par ailleurs, la demande de sou­tien publique à la tran­si­tion agroé­cologique est claire­ment exprimée par les agriculteur·rices : selon le dernier sondage BVA Xsight, 62% des agriculteur·rices esti­ment qu’elle est une néces­sité. 23% con­sid­èrent même qu’il s’agit d’une opportunité.

La Problématique

  • Parce qu’il est basé sur la stan­dard­i­s­a­tion des pro­duc­tions, le recours sys­té­ma­tique aux intrants de syn­thèse (pes­ti­cides, engrais chim­iques, etc) et l’agrandissement des par­celles au détri­ment des élé­ments paysagers (haies, mares, arbres, cours d’eau, etc), le secteur agri­cole français accroît la pol­lu­tion des milieux et l’effondrement et la biodiversité.
  • La capac­ité des écosys­tèmes à assur­er leurs fonc­tions naturelles est ain­si réduite, ce qui accroît la vul­néra­bil­ité des exploita­tions face au dérè­gle­ment cli­ma­tique et la dépen­dance aux intrants.
  • Le lien établi entre l’exposition aux pes­ti­cides et cer­taines mal­adies graves, notam­ment pour les agricul­teurs, représente égale­ment un enjeu de san­té publique.
  • Si la France a claire­ment posé l’objectif de la tran­si­tion agroé­cologique, les 26 mil­liards € de dépens­es publiques (sub­ven­tions, dis­posi­tifs fis­caux, etc), des­tinés à soutenir le secteur, finan­cent en majorité des pra­tiques néfastes, notam­ment pour l’environnement.

Les pièges dans lesquels ne pas tomber :

  • Les approches “tech­no-solu­tion­nistes” (numérique, robo­t­ique et géné­tique), n’optimisent qu’à la marge les sys­tèmes agro-indus­triels sans rétablir les équili­bres naturels à grande échelle. Elles créent des dépen­dances accrues (suren­det­te­ment des agricul­teurs pour l’achat de ces tech­nolo­gies), la stan­dard­i­s­a­tion des cul­tures (dimin­u­ant la résilience agronomique, la bio­di­ver­sité), etc.
  • Se servir des crises (Ukraine, Sécher­esse, etc) pour jus­ti­fi­er une fuite en avant vers l’industrialisation de l’agriculture et l’al­lège­ment des régle­men­ta­tions envi­ron­nemen­tales (pri­vati­sa­tion de l’eau, sup­pres­sion des réser­voirs de bio­di­ver­sité comme les jachères, etc). Cela ne fait que réduire les capac­ités de pro­duc­tion du secteur à plus long terme et in fine frag­ilis­er notre sou­veraineté alimentaire.
  • Faire de la sim­pli­fi­ca­tion un moyen de dérégu­la­tion et de reculs sur les normes envi­ron­nemen­tales alors même que les impacts des dérè­gle­ments cli­ma­tiques et la vul­néra­bil­ité envi­ron­nemen­tale représen­tent une des prin­ci­pales préoc­cu­pa­tions des agriculteurs.

La solution

  • Une réori­en­ta­tion des dépens­es publiques pour que : 
    • chaque agricul­teur soit incité et aidé dans sa tran­si­tion vers des pra­tiques agroé­cologiques et biologiques (diver­si­fi­ca­tion des pro­duc­tions, rota­tion des cul­tures, main­tien des éle­vages sur prairies, implan­ta­tion de haies et d’arbres, cou­ver­ture des sols, 0 pes­ti­cides, engrais de syn­thèse et OGM)
    • les fer­mes agroé­cologiques, per­me­t­tant de restau­r­er la bio­di­ver­sité, de stock­er davan­tage de car­bone dans les sols et de préserv­er la san­té des agricul­teurs et des riverains, soient les plus soutenues et répan­dues dans les campagnes
  • La fin du déclin de l‘élevage en accom­pa­g­nant le secteur vers un mod­èle paysan autonome et résilient (à taille humaine, sys­tèmes plein air, herbagers et pâtu­rants, poly­cul­ture-éle­vage, pas­toral­isme paysan, etc)
  • L’installation mas­sive de paysans accom­pa­g­nés effi­cace­ment pour con­cré­tis­er leurs pro­jets de fer­mes agroé­cologiques et biologiques.

Les besoins politiques

  • Inscrire dans la future loi d’orientation agri­cole des mesures con­crètes pour faire de chaque instal­la­tion et chaque trans­mis­sion une oppor­tu­nité de dévelop­per l’agroécologie paysanne, dont l’agriculture biologique, en inci­tant claire­ment vers ces mod­èles (tech­nique­ment, finan­cière­ment, etc)
  • Révis­er le Plan Stratégique Nation­al de la Poli­tique Agri­cole Com­mune (PAC),  inté­gr­er le développe­ment de l’agroécologie paysanne, dont l’agriculture biologique, dans les poli­tiques de recherche et développe­ment et dans les pro­grammes de formation.
  • Fix­er une ambi­tion et une tra­jec­toire claires pour la tran­si­tion de l’élevage pour l’ensemble des chep­tels, en encour­ageant le main­tien et le déploiement des sys­tèmes paysans et bios.

 

Témoignage
Un témoignage des béné­fices de l’agroécologie — ferme des Trois Par­celles dans le Loiret  © Les Joies sauvages :

En 2022 on a souf­fert de chaleurs dépas­sant les 35°. Ici on part avec un pas­sif : dans le Gâti­nais et la Beauce, la plu­part des céréaliers vendaient leur paille aux régions d’élevage. Les sols se sont appau­vris en matière organique sans récupér­er le fumi­er der­rière et reti­en­nent donc moins l’eau. On a réfléchi à des itinéraires tech­niques pour lim­iter le besoin d’irrigation : on a inté­gré l’agroforesterie au maraîchage. Près de 2000 arbres fruitiers et arbustes ont été plan­tés depuis 2019. Ils nous per­me­t­tent déjà à nous d’avoir moins chaud. Mais ils créent aus­si des micro-cli­mats qui favorisent les ren­de­ments des cul­tures, ils attirent des insectes aux­il­i­aires qui aides les plan­ta­tions bio à résis­ter aux ravageurs, ils enrichissent les sols en matière organique qui vont donc mieux retenir l’eau et, enfin, ils vont stock­er du car­bone et donc con­tribuer directe­ment à lut­ter con­tre le change­ment climatique.