Jeu­di 30 juin, la Com­mis­sion nationale de la cer­ti­fi­ca­tion envi­ron­nemen­tale (CNCE) a voté la révi­sion du référen­tiel Haute Valeur envi­ron­nemen­tale (HVE). Comme nous le craignions depuis plusieurs mois, cette révi­sion s’est faite à la marge et à la hâte, dans le but de faire ren­tr­er ce référen­tiel dans la nou­velle PAC.

La réforme « en pro­fondeur », ini­tiale­ment promise, est repoussée à plus tard sans échéance pré­cise. Tant sur le fond que sur la méth­ode, cette réno­va­tion ne fait que ren­forcer le car­ac­tère haute­ment con­testable de la val­ori­sa­tion de cette cer­ti­fi­ca­tion dans l’éco-régime de la PAC, qui en plus de n’apporter que peu de gains sur le plan envi­ron­nemen­tal, con­stitue une tromperie au con­som­ma­teur. Réseau CIVAM, France Nature Envi­ron­nement (FNE), la Ligue de pro­tec­tion des oiseaux (LPO) et la Con­fédéra­tion paysanne, mem­bres de Pour une autre PAC, ont voté con­tre cette révi­sion en CNCE. Pour une autre PAC revient ici sur le proces­sus de révi­sion de la HVE et explicite les raisons qui ont poussé nos organ­i­sa­tions mem­bres à se pronon­cer contre.

Un label inopérant qu’il était urgent de rénover en profondeur

Lors du vote du 30 juin sur la propo­si­tion de cahi­er des charges rénové de la cer­ti­fi­ca­tion HVE,  la pro­fes­sion agri­cole et les asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales ont refusé d’adopter cette révi­sion : si la FNSEA et les Cham­bres d’agricultures se sont abstenues, il ne restait finale­ment plus que les voix des représentant·es des admin­is­tra­tions et des indus­triels, majori­taires, pour émet­tre un avis en faveur de cette réno­va­tion. La pro­fes­sion agri­cole majori­taire a surtout voulu envoy­er le mes­sage que cette révi­sion, pour­tant très à la marge, était déjà trop ambitieuse. Mais les avis con­cor­dent cepen­dant sur le fait que la cer­ti­fi­ca­tion HVE aurait eu besoin d’une sérieuse remise à niveau pour réelle­ment attester de l’inscription des fer­mes cer­ti­fiées dans la tran­si­tion agroé­cologique. Après deux rap­ports cri­tiques de l’IDDRI¹ et de l’Office Français de la Bio­di­ver­sité (OFB)², la Cour de comptes jugeait elle aus­si le label HVE inopérant dans son dernier rap­port sur l’agriculture biologique, ren­du pub­lic le même jour que le vote en CNCE ! Mal­gré cela, les fer­mes cer­ti­fiées HVE ont béné­fi­cié de sou­tiens publics crois­sants ces dernières années : crédit d’impôt, accès priv­ilégié à la restau­ra­tion col­lec­tive depuis la loi EGALIM et, bien­tôt, une équiv­a­lence pour touch­er la nou­velle aide envi­ron­nemen­tale de la PAC : l’éco-régime.

Entre un calendrier de travail intenable et une étude indépendante remise après la révision, une méthode incompréhensible pour les membres de la CNCE

En souhai­tant inté­gr­er HVE dans la nou­velle PAC, le min­istère de l’Agriculture et de la Sou­veraineté ali­men­taire (MASA) s’est trou­vé con­traint d’envisager une révi­sion du label, sans quoi la Com­mis­sion européenne ne l’aurait pas accep­té.  En effet, le label HVE com­porte des exi­gences inférieures à celles de la con­di­tion­nal­ité envi­ron­nemen­tale en vigueur pour la PAC 2014–2020 ! Cepen­dant, le chantier n’a été lancé qu’à la fin de l’année 2021 et a donc reposé sur un cal­en­dri­er de tra­vail, calqué sur les échéances du plan stratégique nation­al (PSN) de la PAC, et inten­able pour une révi­sion sérieuse et con­certée du référen­tiel. L’objectif affiché ? Révis­er rapi­de­ment la HVE pour qu’elle puisse fig­ur­er dans l’éco-régime de la nou­velle PAC, en vigueur au 1er jan­vi­er 2023. Une étude com­mandée par l’OFB, cen­sée éval­uer les per­for­mances envi­ron­nemen­tales du dis­posi­tif HVE, aurait dû venir nour­rir les travaux de la CNCE, mais ses con­clu­sions finales n’ont tou­jours pas été ren­dues. Si les ser­vices du MASA assurent que cette étude servi­ra à une nou­velle révi­sion « plus en pro­fondeur » à plus long terme, aucun cal­en­dri­er pré­cis n’a pour l’instant été annon­cé. Comble de l’histoire, ce bâclage de la révi­sion pour con­corder au cal­en­dri­er du PSN est d’autant moins jus­ti­fié que le MASA a finale­ment annon­cé une année de tran­si­tion pour que les agricul­teurs puis­sent accéder à l’éco-régime la pre­mière année, sans rem­plir les critères du nou­veau cahi­er des charges !

Sur le fond, une révision qui n’apporte que de maigres évolutions et ne permet pas de justifier le niveau de rémunération prévu dans l’éco-régime

La réforme mar­que heureuse­ment la dis­pari­tion de la voie B³ de la cer­ti­fi­ca­tion, réclamée depuis longtemps par nos organ­i­sa­tions. Les change­ments du référen­tiel HVE con­cer­nent donc la voie A, qui cor­re­spond à 25 000 exploita­tions d’ores et déjà cer­ti­fiées et qui devront se con­former au nou­veau cahi­er des charges avant le 31 décem­bre 2024. Les qua­tre indi­ca­teurs exis­tants (phy­tosan­i­taires, bio­di­ver­sité, fer­til­i­sa­tion et irri­ga­tion) sont main­tenus, alors que l’introduction des nou­veaux indi­ca­teurs aurait été bien­v­enue pour inté­gr­er de nou­veaux enjeux (change­ment cli­ma­tique, bien-être ani­mal, etc). Si une amélio­ra­tion est à remar­quer sur l’indicateur bio­di­ver­sité avec l’introduction d’un critère relatif à la taille des par­celles, les rehauss­es de critères exis­tants sont glob­ale­ment loin d’être sig­ni­fica­tives et les oblig­a­tions de moyens appor­tant peu de garanties envi­ron­nemen­tales sont main­tenues (comme l’utilisation d’outils d’aide à la déci­sion par exem­ple, alors même que la cer­ti­fi­ca­tion est cen­sée se fonder sur des oblig­a­tions de résul­tats). Sur l’indicateur relatif à la stratégie phy­tosan­i­taire, les pro­duits classés CMR (Can­cérogène, mutagènes et repro­tox­iques) de caté­gorie 1 sont inter­dits « sauf  déro­ga­tion excep­tion­nelle (…) après demande d’un secteur de pro­duc­tion en cas d’impasse avérée», offrant ain­si une porte ouverte à la mul­ti­pli­ca­tion des sit­u­a­tions déroga­toires, tan­dis que les CMR 2 ne font quant à eux l’objet d’aucune interdiction.

Si ces élé­ments suff­isent à jus­ti­fi­er une oppo­si­tion à cette propo­si­tion de révi­sion, un autre point cru­cial inquié­tait nos organ­i­sa­tions présentes en CNCE : le plan de con­trôle. Des­tiné aux organ­ismes cer­tifi­ca­teurs, ce doc­u­ment qui n’a pas encore fait l’objet de dis­cus­sion en CNCE devra tranch­er sur des points tech­niques, comme la méth­ode de cal­cul de l’indice de fréquence de traite­ment ou le poids des haies dans le cal­cul des pour­cent­ages de sur­faces favor­ables à la bio­di­ver­sité. Et comme le dia­ble se cache sou­vent dans les détails, il est à crain­dre que cette révi­sion déjà peu ambitieuse se retrou­ve une dernière fois amoin­drie lors de l’élaboration de ce plan de con­trôle. En atten­dant, le pro­jet d’ar­rêté et de décret soumis la semaine passée aux mem­bres de la CNCE sera ouvert à con­sul­ta­tion du pub­lic entre le 11 et le 31 juil­let 2022.

¹ Institut du Développement Durable et des Relations Internationales, La certification Haute Valeur Environnementale dans la PAC : enjeux pour une transition agroécologique réelle, Mars 2021
² Une note confidentielle remise fin 2020 aux ministères de l’agriculture et de la transition écologique assurait que le label agricole HVE ne présentait, dans la grande majorité des cas, aucun bénéfice environnemental.
³ Il était jusqu’alors possible d’accéder à la certification HVE par deux voies : la voie A, pour laquelle les agriculteurs obtiennent des points en fonction de leurs pratiques, et la voie B, qui exige notamment que la part des intrants soit inférieure à 30% du chiffre d’affaire de la ferme, un critère pas du tout discriminant pour les exploitations à très forte valeur ajoutée comme la viticulture.