Ce weekend, la France vote pour le 1er tour de l’élection présidentielle. Ces 5 années passées sous le gouvernement d’Emmanuel Macron sont aussi les 5 premières années de la plateforme Pour une autre PAC, dont le travail s’est essentiellement concentré sur le suivi de la réforme de la politique agricole commune en France et au niveau européen. Tandis qu’Emmanuel Macron est salué par la profession agricole majoritaire et remercié par les défenseurs de l’agriculture industrielle, nous portons aujourd’hui un autre regard sur son action politique et revenons sur les différents échecs d’un quinquennat marqué par son absence de progressisme et de prise en compte de l’intérêt général dans le cadre de cette réforme d’ampleur qu’est la définition de la Politique Agricole Commune.
Réforme de la PAC au niveau européen entre 2019 et 2021
La France a contribué à la réforme de la PAC au niveau européen par le biais du Conseil de l’UE, devant trouver un accord avec le Parlement européen et la Commission européenne pour valider le cadre de la prochaine PAC. Si la France a, au début, défendu une position globalement meilleure que la majorité des États membres durant les négociations, l’ambition du dernier ministre de l’agriculture du quinquennat, Julien Denormandie, n’a fait que décliner pour s’aligner, au bout du compte, sur un consensus au rabais, bien moins progressiste que la ligne défendue par la Commission et le Parlement. Ces derniers céderont à la forte pression exercée par le Conseil de l’UE et l’accord sur la PAC au niveau européen sera finalement considérablement revu à la baisse. La France n’y est pas étrangère puisque Julien Denormandie aura été particulièrement présent dans la défense de la position du Conseil. Il existe d’ailleurs un lien surprenant entre les décisions prises en amont par Julien Denormandie sur sa déclinaison nationale de la PAC et la ligne de base actée au niveau européen. Par exemple, Julien Denormandie ne voulait pas accorder plus de 10% de budget au paiement redistributif, ni parvenir à une convergence interne supérieure à 85 %. Le texte européen ne l’y obligera pas. Julien Denormandie refusait l’obligation de rotation dans la conditionnalité environnementale et voulait pouvoir jouir d’une flexibilité sur les crédits alloués à l’éco-régime. Ce sont choses acquises. La France, pourtant vue comme un des bons élèves du Conseil jusqu’à l’année dernière, a activement contribué à niveler par le bas les règles minimales imposées aux États membres par le cadre européen comme si la France avait pris le parti d’aligner la PAC européenne à la stratégie française et non l’inverse.
Réforme de la PAC au niveau national en 2021
La plateforme Pour une autre PAC a répondu présente à chaque étape des négociations sur le Plan Stratégique National de la PAC et a travaillé collectivement pour apporter au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation des solutions concrètes et réellement efficaces pour réorienter la politique agricole de la France vers la transition. Mais la principale action de Julien Denormandie à nos côtés aura été de s’assurer qu’aucune mesure retenue pour réformer la PAC ne la fasse réellement évoluer, en tirant les négociations européennes vers le bas et en arbitrant au niveau français sans tenir compte de tous les avis négatifs émis par la Cour des Comptes, l’Autorité environnementale, les citoyen.nes du débat public, et plus récemment par la Commission européenne elle-même. Le bilan du quinquennat sur la réforme de la PAC peut se résumer ainsi : le maintien de l’utilisation de 9 milliards d’euros annuels orientant les agriculteur.rices vers un modèle agro-industriel, et non vers la transition agroécologique et l’emploi rural.
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Gestion de la crise ukrainienne en 2022
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la profession agricole majoritaire exerce un intense travail de lobbying visant à “libérer le potentiel de production de l’Union européenne pour compenser le manque de production de blé”. Si nous avons démontré l’inefficacité d’une telle stratégie productiviste pour répondre aux conséquences du conflit, celle-ci est largement suivie par le gouvernement Macron et sert de prétexte pour, d’une part, déroger aux règles actuelles de la PAC et, d’autre part, demander à revenir sur les quelques avancées environnementales de la réforme devant s’appliquer à partir de 2023. Sur proposition initiale de Julien Denormandie pendant la présidence française de l’UE, le commissaire européen à l’agriculture, Janusz Wojciechowski, a ainsi autorisé les États membres à “déroger aux règles du verdissement de la PAC pour cultiver les jachères en 2022”, tout en continuant à recevoir des aides. Après s’être attaqué à la PAC actuelle, Julien Denormandie fera également pression sur la Commission européenne pour obtenir de cette dernière qu’elle soit peu regardante sur l’évaluation des Plans Stratégiques Nationaux de la PAC à venir, toujours au motif de légitimer l’approche productiviste par la guerre en Ukraine.
En résumé
Côté société civile, Emmanuel Macron et son dernier ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, aux manettes de la réforme de la PAC depuis mi-2020, ne marqueront pas l’histoire de la PAC, ayant laissé filer une occasion de réforme pour préférer un statu quo injustifiable. Pour Mathieu Courgeau, paysan en Vendée et président de la plateforme Pour une autre PAC, “jamais un ministre n’aura été aussi fermé au dialogue avec nos organisations paysannes et citoyennes et aussi indifférent aux attentes de la société civile que Julien Denormandie. Le cap politique souhaité par son gouvernement pour l’agriculture est clair, et ce n’est pas celui de la transition !”
Sous son ère, la trajectoire donnée à nos systèmes agricole et alimentaire n’aura donc pas été celle permettant de répondre aux objectifs français en matière d’environnement, de climat, ou encore de souveraineté alimentaire, ni de s’aligner au Pacte Vert européen. Alors qu’Emmanuel Macron déclarait en 2017 vouloir « construire un monde agricole durable » et « aller vers plus de production bio ou d’agroécologie », le bilan que retiendront nos 45 organisations sur la réforme de la PAC sera celui du décalage abyssal entre les ambitions affichées en début de mandat et l’immobilisme politique observé en pratique.