Après de nom­breux reports, le gou­verne­ment a présen­té le 29 mars son pro­jet de loi d’orientation pour la sou­veraineté agri­cole et le renou­velle­ment des généra­tions agri­coles  en Con­seil des Min­istres. Le Col­lec­tif Nour­rir regrette l’absence de cap sur le renou­velle­ment des généra­tions, le manque d’ambition et de cohérence avec les enjeux de tran­si­tion écologique, et une vision trompeuse et lacu­naire de la sou­veraineté ali­men­taire. Le Col­lec­tif Nour­rir invite les par­lemen­taires à se saisir de ses propo­si­tions pour que cette loi réponde réelle­ment aux objec­tifs de renou­velle­ment de généra­tions agri­coles en capac­ité de faire face aux enjeux du change­ment cli­ma­tique et des équili­bres mondiaux.

 

La France doit respecter la définition de souveraineté alimentaire reconnue par le droit international 

Le texte pro­pose d’ériger la sou­veraineté ali­men­taire comme une pri­or­ité stratégique des poli­tiques publiques. Or il s’appuie sur une vision de la sou­veraineté ali­men­taire qui va à l’encontre de la déf­i­ni­tion recon­nue au niveau inter­na­tion­al (UNDROP 2018), laque­lle s’ap­plique pour­tant à tous les Etats mem­bres de l’ONU. Pour se met­tre en con­for­mité et répon­dre aux enjeux soci­aux, économiques et envi­ron­nemen­taux sous-jacents à ce con­cept, les dimen­sions suiv­antes doivent être inté­grées : droits des paysans et droit à l’alimentation, démoc­ra­tie ali­men­taire — à savoir l’inclusion des citoyens et de la société civile dans la con­struc­tion des poli­tiques agri­coles et ali­men­taires, fin des pra­tiques com­mer­ciales français­es et européennes de dump­ing ali­men­taire frag­ilisant les paysans ailleurs dans le monde, rééquili­brage des échanges com­mer­ci­aux au prof­it d’un com­merce plus juste et d’une reter­ri­to­ri­al­i­sa­tion des sys­tèmes ali­men­taires, réduc­tion dras­tique de la dépen­dance aux impor­ta­tions d’intrants. 

Le dispositif pour l’installation doit être neutre et pluriel, c’est une question de démocratie

L’objectif ini­tial du texte de loi était d’assurer le renou­velle­ment des généra­tions agri­coles face à la dis­pari­tion mas­sive d’agriculteurs en France. Pour­tant, aucun cap n’est fixé quant au nom­bre d’installations agri­coles visées chaque année, ce qui devrait être la pierre angu­laire de la stratégie de renou­velle­ment des généra­tions, et aucun arti­cle ne traite de l’accès au fonci­er, point de pas­sage oblig­a­toire pour toute instal­la­tion en agri­cul­ture. Par ailleurs, la réforme du par­cours à l’installation agri­cole et à la trans­mis­sion des fer­mes, dans sa pré­fig­u­ra­tion, ne pose pas les bases néces­saires pour répon­dre aux besoins de tous les por­teurs de pro­jets et n’oriente pas claire­ment vers l’agroécologie et l’agriculture biologique. Le futur dis­posi­tif “France ser­vices agri­cul­ture” (FSA) manque de mécan­ismes con­crets pour cadr­er les mis­sions des Cham­bres d’agriculture et ne respecte pas le principe de neu­tral­ité, en omet­tant de pren­dre en compte la diver­sité des acteurs de l’installation agricole. 

Il est urgent d’assumer une orientation de l’agriculture vers l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique

62% des agricul­teurs esti­ment que la tran­si­tion écologique est une néces­sité et 23% une oppor­tu­nité*. Mais loin de faire de ce pro­jet de loi un levi­er de la tran­si­tion, le texte présen­té ce jour se car­ac­térise à l’inverse par des reculs envi­ron­nemen­taux impor­tants - notam­ment en facil­i­tant l’arrachage de haies, le développe­ment d’élevages indus­triels et les méga-bassines. En faisant l’amalgame entre sim­pli­fi­ca­tions admin­is­tra­tives — néces­saires — et dérégu­la­tions envi­ron­nemen­tales, le gou­verne­ment prend le risque de retarder une nou­velle fois les évo­lu­tions indis­pens­ables pour assur­er la survie de l’agriculture et de notre sou­veraineté ali­men­taire à long terme. L’ajout dans l’article 1 de la notion “d’intérêt général majeur” pour l’agriculture, dont l’impact doit encore être soumis à débat juridique, tend à con­firmer une volon­té d’opposer développe­ment agri­cole et envi­ron­nement. Alors que les impacts des dérè­gle­ments cli­ma­tiques sont au pre­mier rang des préoc­cu­pa­tions des agricul­teurs, il est pour­tant essen­tiel, pour prévenir les futures crises, de ren­forcer l’incitation et l’accompagnement humain, tech­nique et financier vers l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique. 

 

“Les mobil­i­sa­tions agri­coles ne doivent pas être instru­men­tal­isées au prof­it de reculs sur le plan socié­tal et envi­ron­nemen­tal. Elles sont au con­traire le signe de l’im­périeuse néces­sité d’une mod­i­fi­ca­tion en pro­fondeur de notre sys­tème agri­cole et ali­men­taire. Nos organ­i­sa­tions appel­lent à ce que le débat par­lemen­taire per­me­tte un ren­force­ment de l’ambition et de la cohérence du texte, et annu­lent les reculs. Nous avons des propo­si­tions con­crètes et nous comp­tons sur les par­lemen­taires pour faire du renou­velle­ment des généra­tions, de la tran­si­tion agroé­cologique et du ren­force­ment de la sou­veraineté ali­men­taire non pas un slo­gan mais une réal­ité.” estime Clotilde Bato, co-prési­dente du Col­lec­tif Nourrir.

 

Plus d’infos : retrou­vez la cam­pagne “Avec ou Sans Paysan·nes”

*Enquête réal­isée auprès de 607 agricul­teurs par BVA Xsight en parte­nar­i­at avec le Col­lec­tif Nour­rir et Ter­ra Nova

 

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